[Blogue] D’abord qui, ensuite quoi : quand les valeurs maintiennent le cap jusqu’au cœur de la tempête

Collaboration spéciale Économie Estrie et Maison régionale de l’industrie

Lors du Déjeuner Innovation du 26 septembre dernier, Michael Nolan, directeur d’usine chez Cooper Standard Sherbrooke, a livré un témoignage vibrant sur la force des valeurs, de la culture d’entreprise et de l’esprit d’équipe en période de turbulences. Son message? Les valeurs d’une organisation ne sont pas que des mots placardés sur un mur, ni un simple pitch de vente. Elles doivent être une destination, un mode de vie, même dans les moments les plus sombres. Dans le cas de Cooper Standard, elles continuent de montrer la voie, jusque dans la fermeture prochaine de l’usine de Sherbrooke.

Pour illustrer son propos, M. Nolan a présenté deux bateaux en images. Le premier, un bateau de pirates, affiche des valeurs telles que l’innovation, la qualité, la personnalisation, la collaboration, le service professionnel et l’expérience positive. Le second, un navire de valeureux marins, préconise plutôt la sécurité, la collaboration, l’intégrité, la diversité, le respect et l’engagement envers l’excellence. Deux embarcations différentes. Est-ce que l’une des deux a plus de chances d’arriver à bon port?

Vous aurez compris ici le parallèle avec une entreprise. En réalité, la différence entre les deux entités réside dans la manière dont leur équipe incarne ces valeurs au quotidien. Et la question pour toute organisation devient alors : comment s’assurer que ces valeurs prennent vie?

Michael Nolan s’appuie ici sur la célèbre phrase de Jim Collins, expert en leadership et auteur du best-seller Good to Great : « D’abord qui, ensuite quoi ». Tout commence par les personnes qui composent l’équipage, et surtout par les leaders; il faut les choisir avec soin. Les leaders positifs sont eux qui donnent vie aux valeurs, les traduisent dans les gestes concrets du quotidien, inspirent leur équipe et ainsi, créent une culture vivante.

Un exemple fort chez Cooper Standard : la décision de confier la santé et sécurité au directeur d’usine plutôt qu’aux ressources humaines. Ce geste cohérent a permis de réduire de façon significative le nombre d’accidents. La confiance de la clientèle s’en est par ailleurs vue renforcée, mais aussi, cela a démontré que la sécurité n’était pas un dossier administratif, mais une valeur incarnée au cœur même des opérations.

Pas de cachoterie : faire vivre les valeurs demande parfois des décisions difficiles. Afin de préserver la cohésion, M. Nolan a eu à se détacher de certains « électrons libres » qui allaient à contre-courant. Même en contexte de pénurie de main-d’œuvre, il a mis la culture en avant-plan, convaincu qu’on ne peut bâtir sur des fondations fragiles.

Il a rappelé que tout est une question de gestion des attentes. Trop de tolérance envers ceux qui s’en écartent mène au laxisme; le personnel n’y croit plus, la cohésion s’effrite. À l’inverse, des attentes irréalistes, appliquées sans nuance, peuvent créer une rigidité qui étouffe ou mener au conflit. Il faut trouver le juste équilibre : appliquer les valeurs avec rigueur, mais de manière humaine et réaliste pour bâtir une culture saine, performante et durable.

Quand Michael Nolan a pris la direction de l’usine il y a cinq ans, la situation était bien différente d’aujourd’hui. L’efficacité plafonnait autour de 64 %, le climat de travail était difficile et les accidents fréquents. Cinq ans plus tard, l’efficacité atteint 96 %, les incidents ont pratiquement disparu, le taux de roulement s’est stabilisé et le climat s’est transformé.

Le récit de M. Nolan a plongé la salle dans un silence chargé d’émotion, tant sa compassion et son attachement à son équipe étaient palpables. L’annonce de la fermeture de l’usine a eu l’effet d’une onde de choc. Malgré le chaos, la culture établie a permis de maintenir le cap.

Et c’est là la véritable leçon : d’abord qui, ensuite quoi. Car au-delà des résultats, le témoignage inspirant de Michael Nolan est la preuve qu’une culture fondée sur les valeurs peut transformer une organisation. Quand elles sont incarnées avec sincérité et créativité, elles deviennent une force d’innovation humaine — cette capacité de mettre les personnes et leurs valeurs au cœur des décisions, pour générer à la fois performance, confiance et résilience. Une innovation qui ne s’appuie pas sur la technologie, mais sur l’humain.

Les Déjeuners Innovation sont une initiative d’Économie Estrie et de la Maison régionale de l’industrie, avec la participation financière de Services Québec et du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie.